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La donnée collectée, levier de croissance

La donnée collectée, levier de croissance pour tous les acteurs du marché de l’énergie

La collecte des données permet aux fournisseurs d’énergie de mieux appréhender leur éco système. Depuis l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence et la mise en place de règlementations venues encadrer la transition énergétique, elle est devenue un levier d’optimisation opérationnelle et de nouvelles opportunités. Les acteurs du secteur ont été contraints d’accélérer leur transformation digitale et de repenser leur business model. Cependant, la complexité des règles encadrant l’obtention du consentement des consommateurs limite l’accès aux données précises de consommation et nécessite une approche multi-acteurs. A l’heure où nous devons plus que jamais rationaliser nos consommations d’énergie1 , repenser nos modes de consommation afin de gagner en indépendance énergétique2, la collecte de données se révèle primordiale.

Pourquoi la collecte des données ?

-obligations réglementaires (transition énergétique)

La transition énergétique, encadrée par l’état et les organismes agréés, a amené de nombreuses lois, venues encadrer la consommation d’énergie des collectivités et des entreprises, afin d’accélérer et consolider la transition énergétique. Celles-ci sont soumises à des obligations, définies par la LTECV3 et la loi ELAN4 sous peine de pénalités (Décret tertiaire5, Décret BACS6). A cela s’ajoutent de nombreuses normes (ISO 500017) et labélisations environnementales (GRESB, GRI, EPRA8) obligeant les organisations à s’acquitter de plusieurs rapports pour justifier de leur performance énergétique, en s’appuyant sur une masse de données considérable.

-un atout déterminant pour les fournisseurs d’énergie

Les compteurs évolués recueillent des mesures fines de consommation individuelle, à un pas de temps de l’ordre de la demi-heure. Les fournisseurs ainsi informés peuvent plus aisément construire des offres adaptées aux différentes modes de consommation, aux besoins et attentes clients : développer une tarification innovante (comme la tarification dynamique, désormais obligatoire), permettre aux consommateurs de choisir l’offre correspondant le mieux à leurs besoins (comme choisir entre une offre de « base » et une offre « heures pleines/heures creuses »). De même, la connaissance précise des puissances maximum appelées sur l’année permet une optimisation de la souscription de puissance. Sur un marché de plus en plus concurrentiel, l’utilisation des données personnelles est devenue un véritable enjeu.

-un moyen pour les consommateurs de devenir consom’acteurs

L’accès à leur données énergétiques offre aux ménages une meilleure connaissance de leurs consommations et leur permet ainsi de sélectionner des offres tarifaires plus adaptées à leurs besoins. Ils peuvent également simplifier le pilotage de leur consommation et réaliser des économies non négligeables : ils ont désormais la possibilité d’agir sur leur demande d’énergie en effectuant des effacements d’énergie, c’est-à-dire en reportant temporairement à des heures creuses l’utilisation de certains équipements dont la consommation est flexible (ex : radiateurs, ballons d’eau chaude…). Les objets connectés permettent quant à eux de piloter cette consommation à distance mais aussi d’identifier les sources de forte consommation ou les dysfonctionnements de certains appareils

-un atout pour la transition énergétique

Les données offrent, comme vu ci-dessus, la possibilité de piloter intelligemment la consommation d’énergie et par exemple de lisser les pics de consommation, en reportant une partie de la consommation des heures de pointe sur les heures creuses. Dans le World Energy Outlook de 2018, l’agence internationale de l’énergie présentait le pilotage de la demande comme une nécessité pour assurer l’efficacité et la pérennité du système électrique mondial, compte tenu des prévisions d’augmentation de la demande d’électricité (croissance de 2 % par an prévue par l’AIE, principalement soutenue par les pays émergents).

Cette flexibilité apportée par les données satisfait également aux besoins des EnR (énergies renouvelables) d’être toujours plus intégrées au mix électrique. Il devient désormais possible d’ajuster la consommation des équipements à celle des pics et des creux de production des EnR variables. Ces EnR, plus souples dans leur démarrage, permettent donc d’injecter dans le réseau des quantités d’énergie pour mieux répondre à la demande mais aussi équilibrer le mix électrique.

Les sources et types de données

-les compteurs :

Souvenons-nous de l’époque où les compteurs étaient relevés une à deux fois par an manuellement…Aujourd’hui les consommateurs n’ont plus besoin d’être présents lors des relèves, nous avons accès aux données en temps réel et les technologies sans fil permettent aux données d’être transmises en aval à tous les objets connectés d’un foyer (sous réserve du consentement du consommateur). Ces objets connectés massifient le nombre de données. On trouve également d’autres sources, parfois complémentaires, dans les sondages et enquêtes réalisés par les acteurs du secteur ou dans les questionnaires généralement renseignés par les consommateurs lors des souscriptions d’abonnements.

-nature des données

Le rapport du comité d’études de la CRE relatif aux données de mai 2017 recensait pas moins de six catégories différentes de données.

Le type de données collectées se diversifie et complexifie leur traitement : elles peuvent être statiques (concernant une période passée, pour les données archivées), agrégées et anonymes, hebdomadaires ou mensuelles et représenter une maille locale, régionale ou nationale, elles peuvent être individuelles, parfois dynamiques (concernant une période en cours, pour les données dites en « temps réel ») et relayer des informations personnelles. Dans ce cas, elles sont uniquement accessibles au consommateur, producteur de la donnée et aux acteurs privés auxquels il a consenti à les transmettre. Entre données statiques et dynamiques s’appliquent des modalités de mise à disposition et des régimes juridiques différents, sur lesquels le gendarme « CNIL » est toujours en alerte.

Les données ont des sources multiples : elles peuvent être produites par les gestionnaires de réseaux de transport ou de distribution, par les fournisseurs, des tiers et issues de l’activité des ménages ou de celle des entreprises.

Concernant les ménages, il existe :

· Les données compteur remontées en amont par le courant porteur en ligne (CPL) du réseau de distribution, transmises au gestionnaire du réseau de distribution via le courant électrique à une fréquence journalière, avec un délai de récupération pouvant être long et un degré de précision limité. Ce sont des données agrégées, statiques, anonymes, représentant la somme des consommations d’un territoire sur des pas de temps au mieux demi-horaires.

· Les données des compteurs, transmises à l’aval par les technologies sans fil, notamment l’émetteur radio local (ERL) ou par l’intermédiaire d’objets connectés reliés aux installations électriques des consommateurs : plus précises, elles peuvent être récupérées en temps réel lorsque la configuration du logement le permet. Cette technologie sans fil permet également de communiquer avec tous les objets connectés du foyer, pas seulement avec l’électroménager branché sur le réseau d’alimentation électrique. Ces données sont unitaires, individuelles et peuvent relayer des informations personnelles précises ; ce type de compteurs doit donc être installé et activé par le consommateur.

-transit de la source vers la destination : mise à disposition des données

Ces différents types de données ne sont pas soumis aux mêmes modalités de collecte et de mise à disposition.

Le traitement des données unitaires, produites par les Gestionnaires de réseaux de distribution, répond à des règles strictes de consentement. Elles sont accessibles aux consommateurs via des espaces personnalisés et certains outils numériques leur offrent la possibilité de partager ces données de comptage à des tiers, à l’image de l’interface Dataconnect d’Enedis (plateforme d'API Linky, elle permet aux clients résidentiels consommateurs et producteurs d’électricité équipés d’un compteur Linky de partager leurs données pour une meilleure maîtrise).

Les données agrégées peuvent quant à elles être mises à disposition sur des plateformes d’open data. Il existe de nombreuses plateformes, relevant d’acteurs publics ou privés, par exemple :

• La plateforme du service de la donnée et des études statistiques du ministère de la transition écologique et solidaire ;

• La plateforme Open Data Réseaux Énergies (ODRÉ), qui met à disposition des données multi-énergies, multi-opérateurs26 et multi-réseaux ;

• La plateforme Open Data de l’Agence ORE (opérateurs de réseaux énergie), qui comprend des jeux de données sur la consommation, la production et les réseaux de distribution d’électricité et de gaz ; • les plateformes Open Data de GRDF et d’Enedis ;

• La plateforme Caparéseau, qui recense les capacités d’accueil pour le raccordement aux réseaux de transport et de distribution des installations de production d’électricité ;

• La plateforme généraliste data.gouv.fr qui publie aussi des jeux de données sur l’énergie, provenant généralement d’autres plateformes publiques.

À ces plateformes de dimension nationale, s’ajoutent également celles des acteurs locaux, comme la métropole de Lyon qui met à disposition des données sur data.grandlyon.com.

L’abondance et la diversité des données représentent un réel défi pour les acteurs du

secteur de l’énergie qui doivent, pour y répondre, accélérer leur transformation digitale et intégrer ce facteur dans leur stratégie de développement et d’innovation. L’accessibilité des données, leur qualité, la fréquence de leur mise à jour, leur interopérabilité sont autant d’éléments à prendre en compte par les entreprises du secteur.

Encadrement de la collecte des données :

- la règlementation

Au niveau européen, l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) a eu des incidences sur les règles applicables au traitement des données de consommation individuelle issues les compteurs évolués. Différents régimes s’appliquent pour le traitement des données remontées par les compteurs communicants selon leurs destinataires. On distingue ainsi trois modalités principales de mise à disposition des données du consommateur selon les fins poursuivies, qui sont encadrées par le code de l’énergie :

· Le recueil obligatoire : le client ne peut s’opposer à la collecte de ces données de consommation ;

· « L’opt out » : le traitement est automatique, sauf si le consommateur s’y oppose ;

· « L’opt in » : le traitement n’est effectué que si le consommateur l’a explicitement demandé ou autorisé.

Pour autant, le recueil du consentement n’est pas le seul fondement légitimant la collecte des données des consommateurs : le gestionnaire de réseaux de distribution est par exemple aussi habilité à collecter certaines données des compteurs évolués (cf. article D. 341-4 du code de l’énergie). De même, les données de consommation mensuelles, indispensables à la facturation des consommateurs, sont obligatoirement traitées par les fournisseurs. C’est aussi le cas des données infra-mensuelles lorsqu’elles sont nécessaires à l’exploitation du système ou au bon fonctionnement du marché. En France, la législation et la règlementation prévoient actuellement des modalités de recueil du consentement des consommateurs qui varient en fonction du type de donnée collectée et du destinataire des données.

La complexité des règles encadrant l’obtention du consentement des consommateurs limite l’accès aux données précises sur leur consommation et donc le développement d’innovations en matière de services. Le simple fait d’avoir privilégié l’opt in plutôt que l’opt out pour la transmission des données horaires aux distributeurs limite leur collecte, le consommateur devant s’inscrire dans une démarche proactive plutôt qu’une démarche passive de non-refus de la transmission.

- un frein à leur utilisation

La collecte des données individuelles peine donc à se généraliser face à la complexité des modalités en vigueur pour l’obtention du consentement mais aussi face à la crainte de certains consommateurs d’un détournement de leur utilisation par des acteurs extérieurs. La méconnaissance des bénéfices potentiels découlant de l’utilisation de leurs données, le manque d’informations et de réassurance empêchent le consommateur de contribuer à l’exploitation, l’enrichissement et l’usage des données à des fins utiles.

Les modalités d’enregistrement des données horaires dans le compteur de manière automatique, sauf opposition du consommateur, sont également en inadéquation avec les ambitions identifiées pour le développement de services innovants au profit du consommateur et de la collectivité. A titre d’exemple, les données enregistrées ne sont pas récupérables immédiatement mais avec un délai de plusieurs heures. Ce mode de gestion de la donnée apparaît très peu ergonomique et incompatible avec les exigences d’interactivité de la révolution numérique.

Le régime actuel propose donc un compromis insatisfaisant entre l’intérêt des citoyens et la protection des données personnelles, d’une part, et l’intérêt collectif, pour le système électrique et la transition écologique, d’autre part.

Fort de ce constat, le Comité de prospective de la CRE (Commission de régulation de l’énergie) a publié en 2019 un rapport proposant une révision du droit français, en conformité avec le droit de l’Union européenne. Il proposait de :

• Renforcer le pouvoir des consommateurs en leur octroyant un droit de refus (opt out) pour l’enregistrement, que ce soit dans le compteur ou dans le SI du distributeur, de leurs données journalières ;

• Systématiser l’enregistrement des données horaires dans les SI des distributeurs, en maintenant un droit de refus (opt out) pour les consommateurs.

Ainsi :

• Aucune données de consommation ne serait transmise à des tiers sans l’autorisation expresse du consommateur ;

• Seules les données nécessaires à la facturation seraient transmises aux fournisseurs sans l’autorisation expresse du consommateur ;

• Toutes les données fines de consommation seraient enregistrées dans le système d’information du distributeur, sauf en cas d’opposition du consommateur.

Cette évolution permettrait d’enrichir considérablement les banques de données et les plateformes d’open data sur l’énergie, après agrégation et anonymisation.

Cette meilleure connaissance de la consommation d’énergie et des comportements de consommations dans les différents territoires est source d’innovation et de progrès, au service des acteurs privés comme de la sphère publique. Elle est aussi de nature à favoriser l’éclosion d’un écosystème autour de ces données pour assurer leur traitement, leur sécurisation et bien sûr leur exploitation en vue de développer de nouveaux services.

-le recueil du consentement :

Passage obligé pour les acteurs des marchés de l’énergie, la demande de consentement doit être explicite vis-à-vis du consommateur et encadrée juridiquement (comme nous l’avons exprimé plus avant).

-modélisation dans des espaces de stockage spécifiques

Pour être exploitées de manière efficace et répondre à leurs besoins, les fournisseurs doivent organiser les informations collectées dans des entrepôts de données. En France, iIs peuvent être :

· Décentralisés et destinés à collecter un grand nombre de données spécifiques pour des actes métiers. Les données traitées sont généralement brutes ;

· Centralisés avec des données brutes et agrégées ;

· Les deux en cascade, avec des entrepôts de données brutes qui sont ensuite remontées de manière agrégée et suivant des modèles attendus pour en permettre une analyse et une exploitation à des fins de performance, commerciales ou marketing.

Conclusion :

Comme nous venons de le voir, la donnée énergétique en tant que telle ne peut pas être prise de manière unitaire, mais doit être vue dans son ensemble. De sa collecte, en passant par son stockage et enfin son utilisation, les acteurs sont contraints par des aspects règlementaires, mais aussi organisationnels. En effet, les données collectées doivent être organisées et normalisées pour permettre aux fournisseurs de se différencier sur un marché ultra concurrentiel. C’est donc dans l’exploitation de ces données au travers de modèles , répondant à des exigences techniques et structurelles fortes, que les fournisseurs doivent voir leur perspective de croissance. Ces données leur permettront de déterminer leurs besoins énergétiques, d’élaborer des indicateurs de performance, des tableaux de bord (métiers, financier, production, ...), de transmettre l’information à des tiers et enfin de mieux connaître leur clientèle pour construire leurs offres de demain.

IT-NewVision est une société spécialisée, qui accompagne les acteurs du secteur pour l’ensemble de ces problématiques, en leur permettant d’optimiser leurs performances sur leurs segments de marché.

1 Le 25 février 2022, la commission des affaires économiques a publié un point d’étape sur la sécurité d'approvisionnement électrique dans le cadre d’une mission d’information sur l’énergie et l’hydrogène nucléaires : selon les sénateurs, la situation du système électrique français est critique. L'activité de production nucléaire d'Électricité de France (EDF) est tombée à un niveau historiquement bas, entre 295 et 315 térawattheures pour 2022.

Ces difficultés suscitent des inquiétudes quant à l'approvisionnement de la France en électricité. Le gestionnaire du Réseau de transport d'électricité (RTE), chargé d'assurer l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité, a placé le pays en "vigilance particulière" pour les prochains hivers jusqu'en 2024.

2 La France dépend de la Russie pour près de 20% de ses approvisionnements en gaz, depuis le printemps 2020, le prix du gaz a été multiplié par trois et devrait croître encore avec les sanctions prises à l'encontre de la Russie. Or en raison du fonctionnement du marché européen de l’électricité, les prix du gaz se répercutent sur ceux de l’électricité

3 La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) publiée au Journal Officiel du 18 août 2015, ainsi que les plans d’action qui l’accompagnent visent à permettre à la France de contribuer plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique et à la préservation de l’environnement, ainsi que de renforcer son indépendance énergétique tout en offrant à ses entreprises et ses citoyens l’accès à l’énergie à un coût compétitif. Plus d’informations

4 Élaborée en partant du terrain, la loi ELAN a pour ambition de faciliter la construction de nouveaux logements et de protéger les plus fragiles. Elle a été définitivement adoptée au Sénat le 16 octobre 2018. Plus d’informations

5 Issu de la Loi Elan, le Décret tertiaire ou « dispositif éco-énergie tertiaire » publié en juillet 2019, impose aux bâtiments du secteur tertiaire de faire des économies d’énergie significatives. Plus d’informations

6 Le décret BACS (20 juillet 2020) pour « Building Automation & Control Systems » détermine les moyens permettant d’atteindre les objectifs de réduction de consommation fixées par le décret tertiaire. Cette norme impose de mettre en place un système d’automatisation et de contrôle des bâtiments, d’ici le 1er Janvier 2025. Elle concerne tous les bâtiments tertiaires non résidentiels, pour lesquels le système de chauffage ou de climatisation, combiné ou non à un système de ventilation, a une puissance nominale > 290Kw. En savoir plus

7 Conçue pour aider les organisations dans tous les secteurs, cette norme ISO propose des modalités pratiques visant à réduire la consommation d’énergie par la mise en œuvre d’un système de management de l’énergie (SMÉ). En savoir plus

8 Les Directives de reporting de développement durable font souvent références à d'autres normes de l'industrie mises en œuvre dans le secteur des fonds immobiliers non cotés : GRESB, GRI et EPRA. Ces références ont pour but d'aider les gestionnaires de fonds à utiliser les mêmes informations pour différentes normes et établir des liens logiques dans la documentation de leur véhicule. En savoir plus

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